04 Nov 2022

Investir dans une start-up innovante

Comment se protègent les fonds de Venture Capital (VC) face aux risques qu’ils prennent dans le cadre d’un investissement dans une start-up innovante ? Nous avons posé la question à Jean-Baptiste Colin, Managing Partner au sein de H3P ayant une grande expérience dans l’accompagnement des fonds dans le cadre de leurs prises de décision d’investissement (due-diligences comptable, financière, fiscale, valorisation de la cible).

 

La première des protections est la « diversification ». Souvent, dans le cadre d’une première levée de fonds (communément appelé « tour A » ou « série A », cette levée suit l’apport en « love money » provenant généralement de la famille et des proches des fondateurs de la start-up) les investisseurs apprécient ne pas monter seuls au capital. Il arrive souvent qu’un pool de plusieurs investisseurs apportent des petits tickets afin de diversifier leur exposition.

Un deuxième moyen de se protéger est d’investir des fonds pour financer une étape bien définie sur une période convenue de la montée en puissance de la start-up. Les montants investis restent là encore réduits, et l’objectif pour le VC est que les fondateurs reviennent à lui une fois l’étape franchie avec succès, pour financer les suivantes. En avançant ainsi par « petits pas », le VC n’investit pas en une seule fois un montant important avec un risque élevé de non-retour sur investissement, le futur étant de facto incertain dans l’univers des start-ups innovantes.

Enfin, l’élément crucial pour un VC, au-delà de la valorisation, est l’établissement d’un pacte d’actionnaires robuste, détaillant les garanties, clauses contractuelles, options, etc., lui permettant d’encadrer la valorisation, mais aussi de borner les risques. Les diverses garanties et/ou protections qui peuvent être mises en place visent à limiter les pertes pour le VC dans le cas où les prévisions de développement initiales de la société s’avèrent erronées.

L’émission de titres de nature différente entre les fondateurs et le VC permet aussi de se protéger. Les droits du VC peuvent être matérialisés par des actions de préférence, ou des actions adossées à des bons de souscription d’actions.

Dans le détail, les actions de préférence protègent son détenteur en cas de liquidation ou de revente à un prix dévalué, mais aussi dans le cas d’une levée de fonds auprès de tiers investisseurs. Illustrons avec un exemple chiffré : considérons une start-up valorisée 10 après la levée de fonds, dont 4 sous forme d’actions de préférence ; si une revente est réalisée à un prix de 6, le VC détenteur d’actions de préférence aura la garantie d’être remboursé à minima 4. Il ne subira de perte sur son capital qu’en cas de revente à un prix inférieur à 4. De la même manière, le VC pourra avoir la garantie en cas de nouvelle levée de fonds de ne pas être dilué de manière trop significative avec des actions gratuites qui lui sont données et assurent le maintien de son poids au capital.

Il existe d’autres types de protection, tels que :

  • Les clauses «good leaver» ou «bad leaver», qui concernent les situations où le départ du ou des fondateur(s) est acté. Dans le détail, en vertu de la clause de « bad leaver », l’associé sortant avant la date prévue de départ est considéré comme un « mauvais partant ». Celui-ci est donc sanctionné : en application de la clause, ses parts sociales sont rachetées par les autres associés à un prix défavorable, c’est-à-dire en-deçà de leur valeur vénale ;
  • La clause de « ratchet », dont l’objet est de corriger la valorisation de la participation du VC en cas de nouvelle levée de fond (augmentation de capital) à un prix inférieur au prix du tour initial. Cela prendra en pratique la forme de BSA « ratchet » attachés aux actions souscrites par le VC et qu’il pourra souscrire à la prochaine levée de fonds à leur valeur nominale et lui donnant droit à un nombre d’actions nouvelles (déterminées selon une formule mathématique identifiée dans le pacte).
  • La clause d’earn-out, lorsque le prix est composé d’une partie fixe payée au moment de la cession et d’une partie variable en fonction des résultats futurs de la société, pendant une période déterminée (entre un et cinq ans généralement). 

En conclusion, la rédaction du pacte d’actionnaires tient du rapport de force entre actionnaires anciens et entrants. Il est évident que les fondateurs d’une start-up naissante ont peu de moyens de négociation pour commencer, mais ceux-ci augmentent considérablement dès lors que leur projet devient un succès !

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