26 Nov 2021

LES DONNEURS D’ORDRE EN FRANCE FACE À LEUR DEVOIR DE VIGILANCE

C’est à la suite de l’effondrement de l’immeuble du Rana Plaza en 2013 au Bangladesh, immeuble qui abritait plusieurs usines textiles, que la France a décidé de transposer dans son droit interne, le devoir de vigilance. Mis en lumière par la loi du 27 mars 2017 (n°2017-399), le devoir de vigilance implique les donneurs d’ordre dans la prévention des risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement dans le cadre de leurs relations avec leurs cocontractants. Que recouvre ce devoir de vigilance en matière sociale et qui est concerné ? Le point avec Alexia Joubin, juriste en droit social.

[ORCOM] Comment une entreprise donneuse d’ordre sait-elle si elle est assujettie au devoir de vigilance ?

[Alexia Joubin] A partir du moment où le donneur d’ordre conclut un contrat d’un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxes, il se doit de vérifier, en vue de l’exécution d’une opération, que la situation de son cocontractant est régulière et ce quel que soit son secteur d’activité.

[ORCOM] Le donneur d’ordre est-il soumis au devoir de vigilance lorsque la prestation est découpée en plusieurs contrats inférieurs à 5 000 euros HT ?

[Alexia Joubin] Tout à fait, ce qui est pris en considération est l’ensemble de la relation commerciale et donc la somme des différents contrats.

Une fois 5 000 euros hors taxes atteints, le donneur d’ordre – ou maitre d’ouvrage – doit s’assurer tout d’abord que son cocontractant est en règle au regard de ses obligations de déclarations sociales et de paiement des cotisations auprès des organismes de recouvrement, comme l’Urssaf.  Pour cela, il doit se faire remettre une attestation dite de vigilance, que le sous-traitant peut se procurer en ligne, sur le site internet de l’organisme de recouvrement. Le sous-traitant devra transmettre l’attestation à la date de signature du contrat puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de l’exécution du travail.

[ORCOM] Comment le donneur d’ordre peut-il vérifier l’authenticité de l’attestation ?

[Alexia Joubin] Un code de sécurité est mentionné sur l’attestation générée par l’organisme de recouvrement, ce qui permettra au donneur d’ordre de vérifier les informations de l’attestation.

Il devra également se faire remettre un extrait Kbis, selon la même périodicité que l’attestation de vigilance, à savoir tous les 6 mois.

À défaut de vérification, le donneur d’ordre sera tenu solidairement avec son cocontractant au paiement des impôts, taxes, cotisations obligatoires, rémunérations, etc. en cas de défaillance.

[ORCOM] Qu’en est-il du contrôle du travail dissimulé ?

[Alexia Joubin] La jurisprudence a pu préciser que seule la remise de l’attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations ainsi que l’extrait Kbis étaient indispensables au donneur d’ordre pour s’acquitter de son devoir de vigilance.

Néanmoins, le Code du travail oblige également le donneur d’ordre à vérifier que son cocontractant n’emploie pas d’étrangers non munis d’un titre les autorisant à exercer une activité salariée en France. Cette vérification s’effectue par la remise de la liste nominative des salariés étrangers par le sous-traitant.

[ORCOM] L’obligation de vigilance s’applique-t-elle également lorsqu’un donneur d’ordre contracte avec un prestataire de service établi hors de France mais qui détache des salariés en France ?

Tout à fait. Dans le cadre d’une prestation internationale, il revient au donneur d’ordre de vérifier que son cocontractant s’est acquitté de son obligation de déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail. Cette déclaration peut être transmise via le télé-service SIPSI. Si le donneur d’ordre n’a pas reçu l’accusé de réception de cette déclaration par son cocontractant avant le début du détachement, il sera tenu d’effectuer lui-même la déclaration auprès du service compétent, dans un délai maximum de 48 heures suivant le début du détachement.

Si le devoir de vigilance s’est accru depuis 2017, force est de constater qu’une réglementation a toujours entouré les sociétés donneuses d’ordre.

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