12 Mar 2021

[Secteur transport] La réévaluation libre des actifs : une opportunité de renforcer vos fonds propres

Dans le contexte de la crise de la COVID 19, le  Projet Loi de Finances (PLF) 2021 prévoit un dispositif optionnel et temporaire de réévaluation libre pour renforcer les fonds propres des entreprises. C’est une opportunité stratégique pour les transporteurs routiers de marchandises qui ont des contraintes liées aux obligations de capacité financière, tout en atténuant le coût fiscal ! Philippe Robino et Yann Dunaigre, experts-comptables et associés à Paris et Montargis, reviennent sur les avantages de ce dispositif.

[ORCOM] Quel est votre regard sur la situation du secteur ?

[Philippe Robino] Les craintes exprimées par les chefs d’entreprise sur la situation des comptes sociaux de leur entreprise s’amplifient dans une crise sanitaire qui perdure. Le spectre de la COVID 19 s’étend sur un large éventail de secteurs qui se trouvent fragilisés ainsi les sociétés de transport voient aussi leurs comptes 2020 se dégrader par rapport à une année 2019 qui s’est avérée plutôt favorable.

 

[ORCOM] En quoi consiste la réévaluation libre des actifs ?

[Yann Dunaigre] Les immobilisations acquises par les entreprises figurent à leur bilan à la valeur historique d’origine. La réévaluation libre des actifs consiste à modifier la valeur comptable de l’ensemble des actifs pour les porter à leur valeur actuelle. En principe selon le régime de droit commun, la plus-value dégagée lors d’une opération de réévaluation libre des actifs génère un produit imposable au titre de l’exercice de réévaluation.

 

[ORCOM] Quels sont les changements apportés par la nouvelle loi de finances ?

[Philippe Robino] Le cadre fiscal proposé dans le PLDF 2021 permet la neutralisation temporaire des conséquences fiscales, il s’applique sur les réévaluations libres des actifs constatés au cours d’un exercice clôturé entre le 31/12/2020 et le 31/12/2022. Il présente l’intérêt de différer l’imposition des écarts de réévaluation, selon des modalités différentes selon que l’immobilisation soit amortissable ou non :

  • Pour les immobilisations amortissables, l’entreprise qui optera pour ce régime devra réintégrer l’écart de réévaluation constaté sur ces actifs dans ses bénéfices imposables par parts égales sur une période de 15 ans ou 5 ans selon la nature de l’immobilisation.
  • Pour les immobilisations non amortissables, il s’agira d’un régime de sursis d’imposition de l’écart de réévaluation avec une taxation lors de l’exercice de cession de l’actif.

 

[ORCOM] Quel est l’intérêt de ce régime pour un dirigeant ?

[Yann Dunaigre] Dans un contexte de crise économique, les dirigeants voient dans l’application de ce dispositif un moyen de renforcer les capitaux propres de leur entreprise, tout en neutralisant le coût fiscal lors des opérations de réévaluation. A souligner ici que la société aura la possibilité d’incorporer l’écart de réévaluation dans le capital social.

Ce dispositif contribue à rassurer les associés et les tiers, et il est susceptible d’instaurer un retour à la confiance entre les acteurs économiques. La capacité de financement des entreprises sera renforcée, grâce à une amélioration des ratios financiers. La cotation Banque de France pourra s’améliorer.

[ORCOM] Y-a-t-il des points de vigilance ou des contraintes à prendre en compte ?

[Philippe Robino] Il faut être conscient des exigences de ce régime.

En premier lieu, il concerne l’ensemble des actifs corporels et financiers d’une société (sauf immobilisations incorporelles, stock et Valeurs Mobilières de placement). Son application implique donc la mise en œuvre des moyens nécessaires pour l’évaluation et le suivi des écarts de réévaluations dans le temps. L’entreprise s’oblige, vis-à-vis de la DGIFP, à consigner ce suivi, ainsi que l’étalement des impositions et le sursis d’imposition.

Cette option nécessite également une décision préalable des associés/actionnaires dans le cadre d’une assemblée générale, et la mention de la réévaluation dans le rapport de gestion et l’annexe des comptes annuels.

[ORCOM] En quoi la réévaluation libre des actifs peut-elle impacter la stratégie de l’entreprise ?

[Yann Dunaigre] La réévaluation libre est une décision de gestion à apprécier au cas par cas afin d’en évaluer la portée et les conséquences. Les sociétés qui disposent de déficits antérieurs pourront avoir intérêt à procéder à la réévaluation libre sans pour autant opter pour le régime de neutralisation temporaire prévu par la PLF 2021. Pour d’autres, cette option fiscale pourra être une opportunité à saisir pour les raisons évoquées ci-dessus. L’attention des équipes internes et externes à l’entreprise devra être mobilisée sur le projet de réévaluation.

Il sera notamment nécessaire de distinguer le traitement dans le temps des immobilisations amortissables et non amortissables. Il conviendra de se projeter pour anticiper les effets des cessions d’immobilisations qui interviendraient pendant la période de neutralisation fiscale. Celles-ci auront un impact sur le processus favorable d’étalement ou de sursis d’imposition.

D’autre part, il faudra mesurer dans le temps l’évolution du résultat d’exploitation et donc de la rentabilité de l’entreprise, compte tenu des amortissements et provisions comptables calculées sur des actifs immobilisés réévalués. Les plus-values sur les biens réévalués devront également être bien appréhendées pour le calcul de la rentabilité nette de l’entreprise.

[Philippe Robino] La PLF 2021 met également en exergue le mécanisme de cession bail (appelé aussi « lease-back » par nos amis anglophones). Ici, la société cède un bien dont elle est propriétaire (par exemple un immeuble) à un établissement financier qui lui loue ensuite ce même bien sous forme de crédit-bail sur une période de 15 ans. La cession de ce bien permet à l’entreprise de percevoir en trésorerie le produit de la vente du bien. La cession se traduit par un produit exceptionnel qui améliore la rentabilité nette de l’entreprise, et donc les fonds propres de la société. De plus ce dispositif bénéficie d’un régime fiscal favorable, avec un étalement de la plus-value réalisée lors de la cession sur la durée du crédit-bail ; la plus-value réintégrée  chaque année se trouve réduite par les redevances de crédit-bail constatées dans les charges

S’entourer de conseils pertinents afin de maîtriser et de sécuriser les implications des décisions prises en matière fiscale et comptable, telles que la réévaluation libre de vos actifs ou la cession-bail est une impérieuse nécessité ! Elles se traduiront par des mesures à prendre au niveau juridique, fiscal et comptable.

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