23 Avr 2021

Peut-on évaluer une jeune startup comme n’importe quelle entreprise ?

Pour une jeune entreprise innovante, réaliser une levée de fonds est loin d’être un long fleuve tranquille. Au-delà de la nécessité de convaincre les investisseurs, il faut « figer » une valeur pour l’entreprise sans historique d’activité et sans comparaison possible avec une société de même nature d’activité… ce qui est le propre de l’innovation. Alors comment évaluer une startup dans ce contexte ? Retrouvez l’analyse d’Ahmed Rouis, Associé expert-comptable et commissaire aux comptes à Tours.

 

[ORCOM] Une startup sans réel historique d’activité peut-elle avoir une valeur ?

[Ahmed Rouis] Une startup est par définition une entreprise proposant des produits ou concepts innovants. Elle se caractérise donc par un modèle économique et stratégique où les risques sont difficiles à évaluer. La valeur d’une startup correspond à la trésorerie future qu’elle sera capable de générer. L’investisseur sait que c’est un pari sur l’avenir et sera donc d’autant plus exigeant sur le rendement attendu.

 

[ORCOM] Les méthodes d’évaluation d’une startup sont-elles différentes des méthodes appliquées pour une entreprise mature ?

[Ahmed Rouis] En évaluation d’entreprise, les méthodes généralement les plus couramment appliquées sont les méthodes patrimoniales, les méthodes analogiques et les méthodes intrinsèques. Dans le cas des jeunes entreprises, les méthodes patrimoniales sont à exclure puisqu’elles fondent les valeurs principalement sur les performances passées (la valeur de l’entreprise correspondant à une accumulation de richesse à un instant t). Les méthodes analogiques sont également peu adaptées aux jeunes entreprises innovantes. En effet, ces méthodes consistent à déterminer la valeur d’une entreprise par référence à des sociétés comparables dont on connait la valeur, soit parce qu’elles ont fait l’objet d’une transaction récente, soit parce qu’elles sont cotées en bourse. Il est donc rare de trouver un comparable à la startup évaluée car elle est seule ou quasi-seule sur son marché. Il faut donc souvent se contenter de la mise en œuvre d’une approche intrinsèque : la méthode DCF (« Discounted Cash-Flow »).

 

[ORCOM] Qu’est-ce que la méthode DCF ?

[Ahmed Rouis] La méthode DCF considère la valeur d’une entreprise comme la somme actualisée des flux futurs de trésorerie disponible qu’un tiers pourrait raisonnablement attendre de la société valorisée. De la somme obtenue, il convient de soustraire l’endettement net de l’entreprise pour obtenir la valeur de ses fonds propres à l’instant t. Cette méthode se trouve la plus adaptée car elle se base exclusivement sur les prévisions d’activité et de rentabilité de l’entreprise évaluée elle-même. Cette méthode nécessite de déterminer un taux d’actualisation qui représente le « loyer » de l’argent mis à disposition par les investisseurs. Le rendement attendu par les investisseurs sera d’autant plus élevé que le risque perçu au moment de l’évaluation le sera aussi.

 

[ORCOM] Quelles sont les précautions à prendre pour l’évaluation d’une startup ?

[Ahmed Rouis] Il faut avant tout être conscient que la valeur obtenue lors de votre évaluation est purement théorique, puisque basée sur un modèle mathématique (méthode DCF). La prudence voudrait qu’à coté de cette méthode principale, soient mises en place d’autres méthodes d’évaluation alternatives pour réduire l’incertitude (démarche appelée « multicritères »). Comme évoqué précédemment, la mise en œuvre des autres méthodes est quasi-impossible dans le cas d’une toute jeune startup. Pour pallier l’incertitude inhérente à l’application d’une méthode unique, il convient d’estimer au plus juste les prévisions de cash-flows disponibles malgré un paramètre incertain au jour de l’évaluation : le chiffre d’affaires prévisionnel. Pour réduire l’incertitude, il est pertinent d’envisager plusieurs hypothèses (basse, moyenne et haute) et de mettre en parallèle les valeurs obtenues selon les différentes hypothèses.

La durée du prévisionnel ne devra pas être inférieure à 5 ans. Il faut prévoir autant d’années de prévision que nécessaire pour atteindre la maturité et donc un chiffre d’affaires « normal ».

Enfin, il ne faut pas s’arrêter sur une seule valeur mais plutôt sur une fourchette de valeurs qu’il est possible d’obtenir en réalisant un test de sensibilité (liste de valeurs obtenues en fonction de différents taux d’actualisation).

La dernière précaution, et non pas des moins importantes, est de prendre du recul sur les résultats obtenus. Il ne faut surtout pas hésiter à soumettre ses résultats à un regard extérieur.

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